Les apports de la loi Macron en droit social

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », après avoir fait l’objet de nombreux débats, a été publiée le 7 août dernier. Parmi les nombreuses mesures qu’elle comporte en droit social figurent des dispositions en faveur de l’élargissement du travail dominical. Elle comporte aussi des mesures en faveur de l’épargne salariale, de l’emploi des travailleurs handicapés, de la lutte contre le dumping social et la fraude dans le BTP, que nous abordons ci-après.

Travail le dimanche

Les commerces de détail situés dans certaines zones pourront accorder le repos dominical par roulement pour tout ou partie du personnel. Sont concernés

4 nouveaux types de zones :

– les zones touristiques internationales (ZTI), délimitées par un arrêté des ministres du travail, du tourisme et du commerce au regard de certains critères (rayonnement international en raison d’une offre de renommée internationale en matière commerciale ou culturelle ou patrimoniale ou de loisirs, affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France, flux important d’achats par ces mêmes touristes, entre autres).
A Paris, ces zones concernent 12 quartiers (Les Halles, Champs-Elysées-Montaigne et Haussmann, notamment). En dehors de Paris, les villes de Nice, Cannes et Deauville ont été évoquées ;

– des zones touristiques (ZT), caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes. Elles doivent en outre accueillir pendant certaines périodes de l’année une population supplémentaire importante en raison de leurs caractéristiques naturelles, artistiques, culturelles ou historiques ou de l’existence d’installations de loisirs ou thermales à forte fréquentation. Les anciennes zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente constituent de plein droit des zones touristiques ;

– des zones commerciales. Elles se caractérisent par une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes. Constituent de plein droit des zones commerciales les anciens périmètres d’usage de consommation exceptionnel (Puce) ;

– certaines gares, en raison de l’affluence exceptionnelle de passagers. Elles seront déterminées par un arrêté ministériel.

Dans ces zones, les dérogations au repos dominical sont subordonnées à l’existence d’un accord collectif fixant les contreparties (majoration de salaire, compensation des coûts de garde des enfants, entre autres) et prévoyant des mesures visant à concilier vie personnelle et vie professionnelle des salariés.

Dans les entreprises de moins de 11 salariés, à défaut d’accord collectif, le travail le dimanche est possible après consultation par l’employeur des salariés concernés et approbation par la majorité d’entre eux. Si l’entreprise franchit le seuil de 11 salariés, elle disposera de 3 ans pour être couverte par un accord collectif.

Le nombre d’ouvertures dominicales sur décision du maire (ou du préfet à Paris) pour les commerces de détail passe de 5 dimanches par an à 9 en 2015 et à 12 à compter du 1er janvier 2016. Les salariés doivent percevoir au moins le double de leur rémunération ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps.

La loi institue par ailleurs un nouveau mode d’organisation du temps de travail, distinct du travail de jour et du travail de nuit : le travail en soirée, lequel s’entend du travail réalisé entre 21 heures et 24 heures au plus. Il ne concerne que les commerces de détail situés dans les zones touristiques internationales et doit faire l’objet d’un accord collectif. Ce dernier doit prévoir, entre autres, la mise à disposition du salarié d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur pour rejoindre son domicile, ainsi que des mesures destinées à faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle du salarié (compensation des frais liés à la garde des enfants, en particulier).

Les salariés travaillant en soirée doivent percevoir au moins le double de leur rémunération habituelle et ont droit à un repos compensateur équivalent en temps.

Le travail le dimanche comme le travail en soirée repose sur la base du volontariat et reste donc subordonné à l’accord écrit du salarié. L’employeur ne peut pas prendre en compte le refus du salarié de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l’embaucher ou pour lui infliger une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

Force est de constater que cet assouplissement du travail du dimanche est somme toute très limité et très encadré.

Lutte contre le dumping social

La nouvelle loi renforce les mesures en faveur de la lutte contre le dumping social. Elle impose ainsi à l’employeur établi à l’étranger qui détache des salariés en France de transmettre par voie dématérialisée la déclaration de détachement à l’inspecteur du travail.

Par ailleurs, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage doit désormais se faire remettre une copie de la déclaration de détachement ; à défaut, il est tenu d’adresser lui-même à l’inspection du travail une déclaration dans les 48 heures du détachement.

Certains documents devant être présentés à l’inspection du travail devront être traduits en langue française. Le plafond de l’amende administrative encourue par le prestataire établi à l’étranger mais également par le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage en cas de manquement à leurs obligations est porté de 10 000 à 500 000 €.

Enfin, l’administration est autorisée à suspendre, pour une durée maximale d’un mois, la réalisation de la prestation de services en cas de manquements graves à certaines règles essentielles par le prestataire (Smic, repos quotidien et hebdomadaire, notamment) non régularisés par ce dernier. L’amende due par l’employeur en cas de non-respect de cette mesure de suspension peut aller jusqu’à 10 000 € par salarié détaché concerné.

Lutte contre la fraude dans le BTP

Une carte d’identification professionnelle portant un certain nombre de mentions (qui seront précisées par décret) est désormais obligatoire pour tous les salariés du BTP (y compris les salariés intérimaires et les salariés détachés en France), sous peine d’une amende administrative maximale de 2 000 € par salarié (4 000 € en cas de récidive dans l'année), dont le montant total ne peut pas dépasser 500 000 €.

Transfert d’entreprise et information des salariés

La loi « Hamon » du 31 juillet 2014 prévoyait la possibilité pour les salariés d’une entreprise de moins de 250 salariés de demander l’annulation de la cession de l’entreprise en cas de non-respect par le chef d’entreprise de son obligation d’informer préalablement les salariés de tout projet de cession, et ce, afin de leur permettre de faire une offre de reprise.

La dureté de cette sanction avait été vivement critiquée, tant par les entreprises que par les praticiens. La non information des salariés est désormais sanctionnée par une amende civile dont le montant maximal ne pourra pas excéder 2 % du montant de la vente. A noter que désormais seules les ventes sont visées par l’obligation d’information, les autres cessions (donation, etc.) n’y étant plus soumises. Par ailleurs, si l’information de la vente a déjà été communiquée dans les 12 mois précédant celle-ci, dans le cadre de l’information triennale des salariés en matière de reprise d’entreprise, elle n’a pas à être réitérée.

Epargne salariale

L’effectif de 50 salariés exigé pour la mise en place d’un accord de participation est désormais apprécié sur 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 3 derniers exercices (au lieu de 6 mois, consécutifs ou non, au cours de l’exercice).

Les entreprises non assujetties à la participation (moins de 50 salariés) qui décideraient de mettre en place un accord de participation ou d’intéressement bénéficient d’un forfait social au taux de 8 % (au lieu de 20 %). Ce taux réduit s’applique pendant une durée de 6 ans, et ce, même si l’entreprise dépasse ou atteint le seuil de 50 salariés au cours de cette période (sauf si l’accroissement de l’effectif résulte de la fusion ou de l’absorption d’une entreprise ou d’un groupe).

La loi modifie aussi le dispositif des attributions gratuites d’actions en permettant notamment à certaines PME d’être exonérées de la contribution patronale et du forfait social.

L’employeur pourra abonder périodiquement le Perco (plan d’épargne pour la retraite collectif), indépendamment de gratuites d’actions en permettant notamment à certaines PME d’être exonérées de la contribution patronale et du forfait social.

L’employeur pourra abonder périodiquement le Perco (plan d’épargne pour la retraite collectif), indépendamment de tout versement du salarié, sous réserve que le règlement du Perco le prévoie et que l’abondement soit uniforme pour l’ensemble des salariés. A l’origine, seul un premier abondement dit « d’amorçage» était possible. La contribution patronale de 8,2 % sur la fraction de l’abondement excédant annuellement, pour chaque salarié, 2 300 € sera supprimée à compter du 1er janvier 2016.

Les salariés d’entreprises ne disposant pas d’un compte épargne-temps peuvent alimenter le Perco à hauteur de 10 jours de repos non pris par an (au lieu de 5).

Sous certaines conditions, les sommes issues de l’intéressement, de la participation ou de l’abondement de l’employeur versées sur un Perco sont soumises au forfait social au taux de 16 % au lieu de 20 %.

Emploi de salariés handicapés

Les entreprises d’au moins 20 salariés sont tenues à une obligation d’emploi de personnes handicapées à hauteur de

6 % de leur effectif. Cette obligation peut être acquittée partiellement par la signature de contrats de fournitures, de soustraitance ou de prestations de services avec des entreprises adaptées, des centres de distribution de travail à domicile ou des établissements ou services d’aide par le travail dans la limite de 3 % de l’effectif de l’entreprise. La loi permet désormais de passer ce type de contrat avec des travailleurs indépendants handicapés.

Par ailleurs, outre l’accueil déjà possible de stagiaires handicapés, les entreprises pourront également accueillir des personnes handicapées dans le cadre de périodes de mise en situation en milieu professionnel ou des élèves handicapés de moins de 16 ans dans le cadre de périodes d’observation.

Loi 2015-990 du 6 août 2015, JO du 7 ; Décret 2015-1173 du 23 septembre 2015, JO du 24 ; arrêtés du 25 septembre 2015, JO du 26.

Le travail le dimanche

Les médias ont, de manière générale, souvent présenté cette loi en matière sociale comme une mesure d’autorisation du travail le dimanche. Dans les faits, la législation sur le travail le dimanche reste extrêmement complexe. Les nouvelles mesures instituent des dispositifs très ciblés et très encadrés qui ne constituent aucunement une généralisation du travail le dimanche.

Indemnités de licenciement

Le projet de loi prévoyait un barème plafonnant les indemnités dues par l’employeur en cas de licenciement abusif, variable en fonction de l’effectif de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Ce barème allait de 2 mois minimum à 27 mois maximum selon ces caractéristiques.

Considérant que le préjudice du salarié ne pouvait pas dépendre de ces critères, cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel.

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