Cautionnement d’un prêt par le dirigeant de société

Les banques n’accordent généralement leur concours financier à une société que sous réserve que le dirigeant de celle-ci fournisse une garantie personnelle. Cette garantie prend le plus souvent la forme d’un cautionnement. La personne qui se porte caution s’engage à l’égard d’un créancier (en l’occurrence, la banque qui octroie l’emprunt) à régler la dette d’un débiteur principal (la société emprunteuse) en cas de défaillance de ce dernier.

Le cautionnement souscrit par le dirigeant en garantie de l’emprunt de sa société engage ce dernier à titre personnel, ce qui signifie qu’il devra personnellement rembourser le prêt si la société ne le fait pas.

Comme tout contrat, le cautionnement doit obéir à un certain nombre de règles, tant au moment de sa conclusion que pour sa mise en œuvre.

Nature du cautionnement

Par nature civil, le cautionnement est toutefois commercial si la caution (même non commerçante) a un intérêt personnel patrimonial à la réalisation de l’opération garantie, ce qui est le cas du cautionnement donné par le dirigeant en garantie d’une dette sociale.

Le caractère commercial du cautionnement emporte diverses conséquences : compétence du tribunal de commerce, solidarité entre le dirigeant et la société pour le paiement des dettes cautionnées, possibilité de prévoir dans l’acte de cautionnement une clause d’arbitrage.

Conditions de validité du cautionnement

A peine de nullité de la garantie, le dirigeant ne doit pas avoir donné son consentement à celle-ci à la suite d’une erreur, d’un dol ou d’une violence.

Lorsque le dirigeant, personne physique, donne son cautionnement par acte sous seing privé à un créancier professionnel, comme une banque, l’acte doit porter, à peine de nullité, la mention manuscrite suivante, et uniquement celle-ci : « En me portant caution de X, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même. »

Un tel cautionnement n’est en outre solidaire que s’il porte la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du Code civil et en m’obligeant solidairement avec X, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X. »

Le cautionnement donné par acte sous seing privé contresigné par avocat ou par acte notarié échappe à ce formalisme.

A noter que, conformément aux dispositions des articles L 341-2 et L 341-3 du Code de la consommation, ces mentions doivent impérativement précéder la signature de la caution. Si la signature est apposée au-dessus des mentions manuscrites et non au-dessous, le cautionnement est nul (Cass. com. 17 septembre 2013 no 12-13.577).

Mise en œuvre du cautionnement

Dès lors que la dette est exigible et la société défaillante, la banque peut poursuivre le dirigeant en paiement. Celui-ci peut toutefois lui opposer (sauf s’il y a renoncé) :

– le bénéfice de discussion : le dirigeant peut exiger de la banque qu’elle poursuive d’abord la société, en faisant saisir et vendre ses biens, avant de mettre en jeu son cautionnement ;

– le bénéfice de division : dans l’hypothèse où d’autres personnes se sont portées caution avec le dirigeant du remboursement du prêt, le bénéfice de division autorise le dirigeant poursuivi en premier lieu à demander à la banque de diviser ses poursuites entre toutes les cautions à due proportion de leurs engagements respectifs.

Le dirigeant qui a souscrit un cautionnement solidaire est tenu de s’exécuter sans avoir la possibilité de demander au créancier de poursuivre au préalable le débiteur principal. Autrement dit, il ne peut pas invoquer le bénéfice de discussion.

De même, il ne peut pas se prévaloir du bénéfice de division.

Par ailleurs, la banque ne peut pas se prévaloir du cautionnement si celui-ci était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux biens et revenus du dirigeant à moins que le dirigeant dispose, au moment où la garantie est appelée, d’un patrimoine lui permettant de faire face à son obligation. En cas de disproportion manifeste, ce que les juges du fond apprécient souverainement, le dirigeant est totalement déchargé de son engagement.

Concernant l’appréciation de la disproportion du cautionnement, il y a une divergence entre la première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation sur le point de savoir si la proportionnalité du cautionnement doit être appréciée en tenant compte de l’évolution des revenus et du patrimoine de la caution ou s’il faut, comme l’y incite l’article L 341-4 du Code de la consommation, en apprécier le caractère disproportionné à la date de conclusion du cautionnement incriminé et exclure toute évolution même prévisible.

La chambre commerciale a adopté la seconde position (Cass. com. 12 mars 2013 n° 11-29.030 ; Cass. com. 4 juin 2013 n° 12-18.216 et n°  12-15.518) en jugeant que la proportionnalité du cautionnement ne s’appréciait pas au regard des revenus escomptés de l’opération garantie tandis que la première chambre civile, en laissant aux juges du fond le soin d’apprécier souverainement la disproportion, les a autorisés à prendre en compte les perspectives de développement de l’entreprise garantie (Cass. 1e civ. 4 mai 2012 no 11-11.461).

Devoir d’information

La banque bénéficiaire du cautionnement doit informer le dirigeant chaque année, avant le 31 mars, du montant de la somme garantie (principal, intérêts, commissions, frais et accessoires) restant à courir au 31 décembre de l’année précédente et du terme de son engagement. Si le cautionnement est à durée indéterminée, la banque doit également rappeler la faculté pour la caution de révoquer à tout moment son engagement, ainsi que les conditions dans lesquelles elle peut y procéder.

Le défaut d’accomplissement de cette formalité a pour effet de libérer le dirigeant des intérêts aux taux conventionnels échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Le dirigeant n’est pas libéré pour autant de son engagement.

La banque n’est toutefois pas tenue de prouver que la caution a effectivement reçu l’information qui lui a été envoyée.

Il lui incombe seulement de prouver qu’elle a effectivement adressé à la caution l’information requise et non d’établir au surplus que la caution l’a effectivement reçue (Cass. com. 2 juillet 2013 n° 12-18.413).

Durée du cautionnement

Le cautionnement peut être à durée déterminée (c’est toujours le cas si le cautionnement a été donné à une banque par acte sous seing privé) ou indéterminée.

Dans le premier cas, le dirigeant est libéré de son engagement de caution à l’arrivée du terme convenu, il n’est plus tenu de garantir les dettes nées après ce terme.

Dans le second cas, l’acte de cautionnement ne comporte aucun terme, le dirigeant peut donc révoquer son engagement à tout moment. Mais cette résiliation ne le libère que pour les dettes à venir, il reste tenu au règlement des dettes nées avant la dénonciation de son engagement, même si elles ne deviennent exigibles qu’après celle-ci.

La cessation des fonctions du dirigeant au sein de la société, quelle qu’en soit la cause, ne met pas pour autant fin au cautionnement, à moins qu’il n’ait subordonné celui-ci à l’exercice de son mandat social, ce qui doit être précisé dans l’acte de cautionnement.

Pour aller plus loin

Cas du cautionnement donné par un époux commun en biens

Un époux commun en biens n’engage, par son cautionnement, que ses biens propres et ses revenus. Il ne peut engager les biens communs qu’avec le consentement exprès de son conjoint, les biens propres de ce dernier étant exclus des poursuites (C. civ. art. 1 415).

Cet article vise à protéger le conjoint contre certains engagements pris unilatéralement par l’autre conjoint.

Contre-garantie

Afin de limiter le cautionnement de l’emprunt par le dirigeant, il est possible de recourir aux services d’une société de caution mutuelle qui garantira le remboursement d’une partie du prêt. Cette garantie, souvent désignée par le terme « contre garantie », prévoit généralement qu’en cas de difficulté de remboursement la banque doit d’abord mettre en jeu la garantie du dirigeant.

Le prochain dossier du mois sera consacré à la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale.

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